Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les amis des chemins de St Jacques des Alpes de Haute-Provence

Espace de liaison et d'information des amis des chemins de St Jacques de Compostelle et de Rome dans les Alpes de Haute-Provence.

Camino Querido

Publié le 4 Mai 2020 par Azucena Olivares Duque in Récit sur le chemin

L’émerveillement et la liberté sont les sentiments qui me sont les plus chers. Et je comptais bien les rencontrer sur le chemin.

L’intensité du plaisir de la découverte est [pour moi] inversement proportionnelle à la quantité d’information emmagasinée avant le départ. Alors pas de blogs, pas d’avis d’experts, pas de vidéos sur YouTube sur le thème du chemin de Saint Jacques de Compostelle avant mon départ.

Et un matin, enfin, je me retrouvai dos à la cathédrale de Séville, prête pour un départ imminent.

Je me rappelle avoir levé les yeux et avoir découvert, tout à coup, ma première flèche. C’était un appel : il fallait la suivre. C’était un hiéroglyphe secret que seuls les pèlerins pouvaient voir. Pas de doute, je venais de rentrer dans un monde parallèle.

La première heure fut enchanteresse et magique, et peu à peu, avec une assurance enivrante, ces flèches m’emportaient loin, bien loin de la ville sur des chemins inconnus.

J’ai aimé suivre le Guadalquivir et atteindre mon premier village. Je comprenais peu à peu l’énormité de l’aventure dans laquelle je m’étais engagée. J’avais le sentiment d’incarner le poème de Rimbaud.

SENSATION

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

 

Je me rappelle d’un bosquet sur le chemin : c’était comme une oasis. Une oasis pleine de fleurs et de chants d’oiseaux ; un endroit éphémère où la pluie, le soleil et le printemps avaient réinventé la sérénité. La qualité d’espace était telle que le chant des oiseaux résonnait à des milliers de kilomètres à la ronde.

 

 

L’autre moment mémorable fut ma rencontre avec Manolo, Javier et Mateo. Trois compères espagnols rencontrés au milieu de nulle part, alors que je me reposais à l’ombre d’un arbre. Ils parlaient fort, riaient, marchaient… et comme quand on est enfant, on s’est dit bonjour et ça y est, on est devenus amis. Quel bonheur de marcher à leur côté ! Quelle joie, quel entrain ! Quel langage délectable [ils venaient de région espagnole très castillanes où l’on parle le plus pur espagnol]. J’avais l’impression d’être en plein siècle d’or avec eux.

 

 

 

 

 

Après, les nouvelles de l’autre monde : Covid-19. Les auberges fermant toutes les unes après les autres. Voilà. Et ce furent alors des souvenirs brumeux de bus, de retour anticipé, l’esprit encore plein d’images de vent et de paysages magnifiques. Incrédule. C’était terminé. Déjà. Retour vers un chez moi que j’avais complètement oublié.

Maintenant je sais que les flèches seront toujours là, bienfaisantes, pour les milliers de pèlerins à venir. Il me tarde, bien sûr, de continuer ce si beau camino de la Plata pour vivre de nouveau des moments intenses comme nulle part ailleurs.

 

Commenter cet article