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Les amis des chemins de St Jacques des Alpes de Haute-Provence

Espace de liaison et d'information des amis des chemins de St Jacques de Compostelle et de Rome dans les Alpes de Haute-Provence.

Le Gué du Reculon, ouvrage situé au sud de Saint-Michel l’Observatoire

Publié le 6 Avril 2022 par Jacques Patureau

L’ouvrage actuel, nommé gué du Reculon, est-il romain ?

L’ouvrage actuel, nommé gué du Reculon, est-il romain ?

Le Gué du Reculon, ouvrage situé au sud de Saint-Michel l’Observatoire

Le marcheur, qu’il soit pèlerin ou randonneur empruntant le GR653D, note la présence d’une signalétique spécifique lui précisant que l’itinéraire qu’il emprunte est proche ou confondu avec celui de l’ancienne voie romaine, la Via Domitia.

Dans les Alpes de Haute Provence c’est particulièrement le cas pour le pont de Ganagobie sur le Buès et le gué du Reculon sur le torrent du même nom. Ou encore à Céreste le panneau placé à une entrée du pont de la Baou. Ce pont du XVIIIème siècle est situé sur l’Encrème, qui possède un affluent l’Aiguebelle dont le confluent est proche, sous la D4100 actuelle. Ce panneau précise que la Via Domitia franchissait l’Aiguebelle par un vrai pont romain « Augustéen » dégagé entre 1999 et 2009. On notera les dimensions exceptionnelles de cet ouvrage (dimensions voisines du pont Julien et de même époque) pour un cours d’eau modeste. Les bâtisseurs romains savaient anticiper afin d’assurer la permanence du trafic quelque fut la puissance des eaux.

 

Le Gué du Reculon

A côté de l’ouvrage actuel, signalé en 1961 par Pierre Martel (Alpes de Lumières), un panneau indique :

Situé au sud de Saint-Michel l’Observatoire, entre la Bégude et le Prieuré d’Ardenne, le gué du Reculon est constitué d’une arête formée de 22 blocs de calcaire en grand appareil parfaitement jointés, à l’arrière de laquelle se trouvait une chaussée caladée.

L’ouvrage, comporte un mur de soutènement de 3,20 m de haut en forme de « barrage voûte » pour résister à la pression des terres et des eaux.

Horizontalement il présente également une dépression régulière permettant de canaliser le ruisseau qui s’élargissait en fonction du débit.

L’assemblage « autoblocant » des pierres de taille du parement en forme de double voûte a assuré la longévité et la robustesse du gué, qui faisait 25 m de long, pour 6 à 7 m de large.

 

Si le titre du panneau indique « Via Domitia – Gué du Reculon » le texte de M. Guy Barruol ne fait pas état d’une origine romaine pour cet ouvrage. Ce qualificatif sera néanmoins retenu dans plusieurs autres publications.  En particulier « La voie romaine de Cavaillon à Sisteron sous le Haut-Empire » par MM. Guy Barruol et Pierre Martel.

 

Et pourtant la Via Domitia franchissait ce torrent, mais où ?

 

A la lecture des archives du XVIIIème siècle il est apparu opportun de formuler 2 hypothèses :

  • L’ouvrage actuel est-il romain ?

Cette hypothèse est pertinente. D’après Mme Dominique Peyric – archéologue – cet ouvrage n’est certainement pas romain. En outre, un étudiant de la Sorbonne voulant faire un master sur ce sujet avait comme seule référence dans le monde romain des gués construits, le gué du Reculon !

  • Permettait-il à la Via Domitia de franchir le Reculon ?

Une Via Domitia, dont l’emprise peut être imaginée au vu des vestiges ou des fouilles entreprises, mais dont le tracé reste encore très hypothétique en ce lieu.

 

L’ouvrage actuel, nommé gué du Reculon, est-il romain ?

 

De tous temps l’Homme s’est déplacé sur notre belle planète.

Il a marché, charroyé, roulé sur des sentiers, des chemins, des pistes plus ou moins empierrées, des routes revêtues ou non. Le tracé de ces espaces de déplacement, pour les biens et les personnes, rencontre parfois des obstacles. Une montagne peut être contournée ou percée, un cours d’eau doit être franchi. Il peut être franchi à niveau ou par une structure de grande élévation. Lorsque c’est à niveau, ou d’une structure juste hors d’eau il s’agit d’un gué, qui n’est pas toujours praticable selon le débit des eaux.

 

La traversée du torrent du Reculon a, de tous temps, posé des problèmes lorsqu’on prend connaissance des archives disponibles le concernant. Les archives les plus anciennes sont de 1671. Un procès-verbal du 7 mai indique la nécessité d’entreprendre des réparations sur le pont du Largue et le pont du Reculon (« Terroir » de Lincel). A proximité de ce pont il est un lieu où, « les eaux traversent le chemin et le gastent… » et que ce chemin doit « estre soubstenu par une muraille de pierre seiche … » on peut imaginer qu’il s’agit alors d’un gué. En novembre 1745 le débordement des eaux a ébranlé l’ouvrage existant. En mars 1746 l’ouvrage est emporté. Il est décidé de construire un nouvel ouvrage et, pour permettre la remise en service rapide du chemin de construire « quelque ouvrage » provisoire en attendant l’achèvement des travaux du projet envisagé. Ce sera un « arc-couché » qui sera également emporté par le torrent. Les entrepreneurs de l’époque utilisent le terme d’arcouchat pour une sorte de barrage voûte à deux courbures.

La courbure de l’ouvrage dans un plan vertical lui permet de résister à la poussée des terres. Celle dans un plan horizontal canalise l’écoulement des eaux sans contrarier la bonne circulation des véhicules. Cette courbure, où l’ouvrage est sous l’écoulement, est inversée lorsque la structure est en élévation par rapport au fluide (pont) la chaussée est alors en dos d’âne.

D’autres dégradations, réparations et reconstructions seront entreprise pour qu’en 1762 l’ouvrage soit enfin stabilisé.

De ce qui précède l’ouvrage actuellement visible n’est certainement pas romain. En particulier les proportions des pierres d’arête ne correspondent pas, pour les scientifiques, au module romain. Par ailleurs et contrairement au pont romain sur l’Aiguebelle déjà cité, il n’y a jamais eu de fouilles de repérage exécutées au gué du Reculon. Ce ne fut pas nécessaire car aucuns vestiges romains n’ont été découverts lors des constructions, démolitions – naturelles ou pas - et reconstructions en des endroits tous différents. Du moins en se référant seulement aux archives du XVIIIème siècle. On ne peut donc pas affirmer qu’il n’existe pas d’ouvrage romain sous l’ouvrage actuel.

Peut-être un gué ou un pont romain a existé auparavant mais où ?

 

Observations :

  1. Le gué du Reculon fut utilisé jusqu’en 1845 par la Route Royale. Au milieu du XIXe siècle les tracés de certains tronçons seront modifiés, ce qui permettra la bonne conservation du Pont Julien et du Gué du Reculon.

 

  1. Un gué naturel est très connu, c’est le gué du Bazacle à Toulouse, sur la Garonne, praticable pour les piétons en période de basses eaux. Un gué qualifié de romain, et strictement piéton, existe sous forme d’une structure juste hors d’eau. C’est le gué à Vilhonneur en Charente sur la Tardoire, (photo). Cependant cet ouvrage n’est pas répertorié dans la base Mérimée des Monuments Historiques.

 

Si un lecteur avait des arguments historiques fondés permettant d’affirmer que l’ouvrage actuel est vraiment romain, il serait le bienvenu.

Gue Vilhonneur

 

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